Etat du dossier en justice

Le 7 mai 1999, une commission d’enquête indépendante (CEI), chargée de “déterminer les causes de la mort” du journaliste Norbert Zongo, a remis son rapport au Premier ministre. Mise en place suite au mecontentement populaire, elle a conclu, après avoir auditionné plus de deux cents personnes, que “concernant les mobiles de ce quadruple meurtre (...), il faut les chercher du côté des enquêtes menées depuis des années par le journaliste, et notamment sur ses récentes investigations concernant la mort de David Ouedraogo, le chauffeur de François Compaoré, conseiller à la présidence” et frère du chef de l’Etat. Le rapport donnait également les noms de six “sérieux suspects” dans cette affaire, tous membres du Régiment de la sécurité présidentielle. Seul l’un d’entre eux, Marcel Kafando, a été inculpé en 2001 “d’incendie volontaire” et “assassinat”. Egalement condamné en 2000 pour avoir “séquestré et torturé à mort” David Ouédraogo, le sergent Kafando a pourtant passé pendant toutes ces années, des jours tranquilles à son domicile de la capitale, percevant toujours sa solde de militaire.
Lors d’une mission à Ouagadougou, en octobre 2006, Reporters sans frontières a déposé sur le bureau du procureur des “éléments nouveaux” et a par conséquent, demandé à la justice de réouvrir le dossier. En tant que membre de la CEI mise en place après le crime, Robert Ménard, secrétaire général de l’organisation, a fourni à la justice la version complète du rapport avant que celui-ci ne soit édulcorée sous la pression de deux de ses membres, représentant le gouvernement. La version remise à la justice par Reporters sans frontières mettait plus nettement en cause François Compaoré et un riche homme d’affaires proche du pouvoir, Oumarou Kanazoé. Certains passages détaillant les contradictions de François Compaoré dans sa déposition et le rôle joué par Oumarou Kanazoé pour tenter de faire taire Norbert Zongo, avaient été purement et simplement supprimés du rapport final. Les informations contenues dans le document donné au procureur du Faso prouvent également que François Compaoré et Oumarou Kanazoé ont menti à la CEI. Elles montrent que les affaires David Ouedraogo et Norbert Zongo sont intimement liées et révèlent comment et pourquoi l’homme d’affaires et Dramane Yaméogo, procureur du Faso à l’époque, ont tenté de faire taire le journaliste avant son assassinat.
Mais la justice burkinabé, d’une lenteur invraisemblable pour enquêter sur le crime, n’a pas mis 24 heures avant de rendre son verdict. Dès le lendemain de la réception du dossier de Reporters sans frontières, le procureur du Faso et le procureur de la République ont convoqué une conférence de presse pour annoncer que les éléments en leur possession n’étaient “pas nouveaux” et qu’il était urgent de ne rien faire. Par la même occasion, ils ont lancé une salve d’attaques contre Reporters sans frontières, allant jusqu’à menacer d’arrestation ses représentants en visite au Burkina Faso “n’en déplaise à leur ambassade”.
Attaques qui se sont perpétuées plusieurs semaines dans les journaux pro-gouvernementaux.
Cette affaire continue donc depuis huit ans, d’empoisonner la vie des Burkinabés, alors que la liberté de la presse est une réalité dans le pays, malgré quelques tabous tenaces. Même si la critique est admise et les enquêtes dérangeantes largement publiées, mettre en cause le chef de l’Etat, sa famille ou ses plus proches alliés reste un exercice à risques.


Lire aussi l'article dans l'Evénement N° 153 à http://www.evenement-bf.net/pages/dossier_1_153.htm#uo

1 commentaire:

zedy a dit…

Que fait Norbert Zongo entre le collège et le début de ses études de journalisme ? Il y a combien d'années entre ces deux moments ? Cette lacune expresse ou préméditée affecte l'analyse de ce parcours assez courageux et exceptionnel -pour son temps ! Aussi il faut des dates pour montrer combien ce parcours était labourieux , patient , perséverant et assez instructif pour les jeunes d'aujourd'hui! Nous savons beaucoup plus de l'américain Obama que du burkinabè Norbert Zongo ! Ce n'est pas normal ! Ce n'est pas juste pour la pétition que le site a été créé ! Mais également pour que l'homme soit mieux connu et que son expérience nous inspire et prospère davantage ! Du courage et merçi!